Yeaaah Today, j’ai créé mon blog !!! Merci à ceux qui voudront (ou auront la patience de) me lire ! 🙂
Bon le premier article que j’ai envie d’écrire parlera de (roulement de tambour…) LA VIDEO ANTI-ISLAM ! BOOM ! Cause d’embrasement dans le monde arabe …blablabla … Phénomène que j’ai vraiment du mal à comprendre ou ce que je comprends c’est que nous sommes complètement devenus des « objets » (que l’on manipule à souhait) pour transmettre un Message à l’une ou l’autre « force » mondiale …
L’imam de Drancy, Hassen CHALGHOUMI, indiquait rapidement sur le plateau du Grand Journal du 17 septembre 2012 qu’il fallait mettre en lien les événements actuels avec les élections américaines (la position des USA sur l’Iran, etc.) — Cela rappelle, évidemment, les représentations diplomatiques saccagées, les drapeaux brûlés, plus d’une centaine de morts et la moitié de la planète en émeute, etc. pour les quelques caricatures danoises considérées comme autant de pêchés capitaux.
Le livre de Jeanne FAVRET-SAADA (2007 « Comment produire une crise mondiale avec douze petits dessins » – Paris : Les Prairies Ordinaires) démontrait très bien comment l’ambassadrice d’Egypte au Danemark, Mme Mona OMAR ATTIA, avait « instrumentalisé » ces caricatures de Mohamed pour faire alors d’Hosni MOUBARAK le véritable « défenseur de l’honneur du prophète » à la veille des élections législatives égyptiennes de 2005. En effet, les Frères Musulmans avaient obtenu pour la première fois le droit à la candidature (en contournant l’interdiction constitutionnelle, selon laquelle les partis politiques confessionnels sont interdits, en se déclarant « indépendants »). On voit donc ici que « l’affaire des caricatures » n’avait déjà pas grand-chose de religieux…
Mais intéressons-nous au religieux justement ; est-ce qu’au-delà de ce « réflexe (de Pavlov) colérique » d’une masse manipulée selon les besoins électoraux des dirigeants, un musulman peut-il vraiment être à ce point-là blessé par la vision d’une représentation du Prophète ? …
Je pense que oui. Il faut déjà savoir qu’un musulman qui pratique 5 fois la prière par jour répète plusieurs fois par recueillement « lâ illâha illalâh » et «Muhammadan rasul allâh » (il n’y a qu’Un seul Dieu : Allah, et Mohamed est Son messager). Ce qui veut donc dire, à mon sens et en essayant d’éviter la « psychologie de comptoir », que ce personnage religieux est non seulement ancré profondément dans le quotidien d’un musulman pratiquant mais fait partie également, en quelque sorte, de sa partie psychique la plus intime – la partie imaginaire où l’on demande pardon, conseil et soutien à une tierce personne plusieurs fois par jour … le prophète Mohamed occupe donc indéniablement une place unique dans la conscience et la vie des musulmans.
On peut déjà intuitivement deviner ici la blessure « intime » que provoque une critique violente vis-à-vis de ce confident spirituel duquel on cherche tant la promiscuité d’Esprit et de comportement …
Et cette critique, toujours selon moi, est mal comprise par tous ; d’une part, pour les « Occidentaux » la caricature et le dessin font partie du champ normal de la critique sociale (cette fameuse « liberté d’expression » qui semble devenir un concept « fourre-tout ») et d’autre part, pour les Musulmans, une énième critique de l’Islam (fondée ou non) dans un monde « où il n’est clairement pas bon d’être musulman » est prétexte à alimenter une mentalité de victimisation…
Il faut savoir que dans les pays musulmans où la liberté de la presse existe (ou est relativement tolérée) il existe aussi beaucoup de dessins et de caricatures qui mettent en cause la religion musulmane elle-même, l’hypocrisie de certains croyants, le caractère superficiel de la foi, le pouvoir exorbitant que s’accordent certains responsables religieux. Donc, Tariq Ramadan se trompe quand il expliquait sur le plateau télévisé d’RTS que l’ironie, le cynisme, la critique appartiennent à la culture européenne et que les arabes ne sont pas habitués à cela.
Ici le problème est malheureusement plus complexe que deux sensibilités différentes s’opposant sur le sujet de l’insolence de la caricature.
Loin de moi la prétention de vouloir expliquer ce phénomène « multiple » mais j’avais envie de rappeler quelques éléments qui expliquent la (ma?) confusion actuelle…
La religion musulmane est une des religions les plus ascétiques parmi les religions officielles d’Europe (depuis juillet 1974, l’Islam dispose en Belgique d’un statut équivalent à celui des autres cultes) – n’en déplaisent à des personnes comme Elisabeth Badinter, cet ascétisme est le plus souvent choisi (même s’il est souvent conditionné par l’identité arabe qui est souvent, selon Bichara Khader, une « identité-prison » – soit. Autre débat.) – et cet ascétisme est vécu avec le coeur, le corps tout entier à travers une autodiscipline exigeante, certes, mais à travers laquelle on est convaincu de devenir une personne Meilleure, aux yeux de Dieu mais également (et surtout) aux yeux de son prochain.
Evidemment cet ascétisme est jugé avec condescendance par les Européens qui se sont « désaffiliés » du religieux institutionnel et montrent une désaffection par rapport aux pratiques régulières (messes ou cultes hebdomadaires)
{Selon l’Eurobaromètre 2006, la religion est la dernière valeur choisie par les européens entre douze valeurs personnelles et valeurs représentatives de l’Union européenne proposées; selon cette enquête, les valeurs personnelles plus importantes sont: la paix (52%), le respect pour la vie humaine (43%), les droits de l’homme (41%) la démocratie (24%) et la liberté individuelle (22%); la religion est loin derrière (7%)} —– Inutile de dire que pour un musulman pratiquant, la religion serait, elle, bien loin devant …
L’Islam, étant, il est vrai, une religion capable de déterminer les moindres détails de la vie d’un musulman, est généralement senti par les Occidentaux comme une croyance ne permettant pas (ou pas encore) la forme de réflexivité critique requise par la culture moderne, donc par conséquent, les Musulmans sont forcément « à la merci » des groupes islamistes…
Et ça, les Islamistes, on n’en a TOUS peur ! Que l’on soit Bleu-Blanc-Belge ou musulman pratiquant ! La population immigrée musulmane reçoit, elle aussi, des attaques de la part des islamistes … Mais comment ces courants Salafistes, Hanbalistes ont-ils trouvé échos en Belgique ?
Qui a eu cette idée folle, par exemple, de donner les clefs de la Mosquée du Cinquantenaire en 1968, par bail emphytéotique de 99 ans, au roi Fayçal d’Arabie Saoudite ?
Comment a-t-on pu permettre en 1982 que le Centre Islamique et Culturel de Belgique soit officiellement rattaché à la Ligue Islamique mondiale (sur laquelle l’Arabie Saoudite pèse d’un poids déterminant) ?
Si les premiers immigrés musulmans du Maghreb avaient contesté la légitimité de cette « représentation » saoudienne, je ne suis pas sûre que les immigrés de deuxième, troisième génération « réalisent » aujourd’hui cette prépondérance de l’Arabie Saoudite dans l’organisation et la structuration des lieux de culte en Europe. Enfin, je n’ai pas envie d’alimenter la paranoïa ambiante, je voulais juste souligner l’imprudence (ou la méconnaissance?) originelle de notre Etat belge. Et on s’interloque aujourd’hui de constater que des projets d’école secondaire musulmane (avec l’argent de nos généreux mécènes Saoudiens) voient le jour en Belgique …
{Comme je m’y perds un peu moi-même, rappelons juste qu’il existe quatre grandes écoles juridiques en Islam Sunnite, fondées sous les Abbassides (750-1258)
1. L’école Hanéfite – créée par Abu Hanifa = son enseignement recouvre actuellement plus du tiers des musulmans sunnites.
2. L’école Malékite- fondée par Malik ibn Anas = son enseignement touche près d’un septième des sunnites, en majorité en Afrique du Nord.
3. L’école Shafiite – fondée par Abu Abdallah Muhammad ibn Idris al Shafii = son enseignement est prépondérant en Basse-Egypte, au Hedjaz et en Afrique orientale.
4. L’école Hanbaliste – créée par Ahmad ibn Hanbal, né à Bagdad, est la plus rigoriste –> Et si j’ai bien compris, le Salafisme s’inscrit dans la mouvance hanbaliste}
Aussi, on parle beaucoup (avec la Syrie) des Chiites et des Sunnites — Et comme d’habitude les débats s’alimentent sans revenir à la base de cette scission (purement politique) :
Pour rappel : à la mort du prophète Mohamed en 632 – La Communauté musulmane a déjà commencé à se déchirer sur la question de sa succession.
Quatre tendances s’affrontèrent :
- Les Muhadjirins (les premiers convertis de la Mekke) pour qui le successeur devait être de leur rang
- Les Ansar (les premiers partisans de Médine) qui revendiquèrent la même chose.
- L’aristocratie Kuraïshite de la Mekke, qui, traditionnellement contrôlait les lieux saints de la ville.
- Les Légitimistes, qui soutenaient la candidature d’Ali, cousin et gendre du prophète, en invoquant les liens de sang et qui estimaient que le pouvoir devait rester dans la famille hashimite en passant dans les mains des descendants légitimes de Mohamed, d’où leur nom.
La première tendance (les Muhadjirins) l’emporta et Abou Bakr, un des premiers convertis de la Mecque mais aussi l’un des gendres du prophète, fut élu, devenant le premier khalife (632-634) – le deuxième khalife sera Omar (634-644) – le troisième sera Othman (644-656) = ce troisième Khalife est important car c’est sous son règne, que l’on a compilé les sourates dans une classification unique qui sera le premier Coran (en 647 donc 15 ans après la mort du Prophète)
Et c’est seulement à la mort d’Othman que les légitimistes ont eu gain de cause car c’est Ali (qui était le cousin et le gendre de Mohamed car il avait épousé sa fille Fatima) qui régna entre 656 et 661 — vous allez me dire, ça valait bien la peine d’attendre 24 ans (!!) parce qu’en plus la proclamation d’Ali comme Khalife fut contestée par le gouverneur de Damas, le cousin d’Othman, l’Omeyyade Abû Sufyan. Vous suivez ?
Il y aura donc l’affrontement entre les troupes de ce gouverneur de Damas et les troupes d’Ali à Siffine en 657. L’arbitrage de Siffine sera favorable à l’Omeyyade Abû Sufyan (et ce sera le début de multiples divisions théologico-politiques au sein de l’Islam – c’est pourquoi on dit qu’il y a plus de 70 tendances/courants dans l’Islam !!) — Donc en bref, Ali sera reconnu khalife en Irak et en Iran TANDIS QUE Abû Sufyan sera proclamé Khalife en Syrie, Palestine, Egypte et Hedjaz.
{ { NB : l’Ibâdhisme, branche du Kharidjisme (les dissidents), qui est en quelque sorte la troisième obédience de l’Islam (religion officielle du Sultanat d’Oman) a été également constituée lors de cet arbitrage de Siffine } }
Et donc après la mort d’Ali en 661, ce gouverneur de Damas transformât le califat en monarchie héréditaire puisque les Omeyyades gouverneront le monde musulman de 661 à 750. Vous suivez toujours ?
Et voilà, c’est ainsi que s’est créé la deuxième obédience de l’Islam = le Chiisme (> shî’at Ali = les partisans d’Ali) qui désigne ceux qui sont restés fidèles à Ali et surtout pour désigner la tendance qui s’est constituée, après la mort d’Ali, sur la base de la contestation de la dynastie Omeyyade.
Donc encore une fois, rien de très religieux dans tout ça, n’est-ce pas ? Al-Ashmawy écrit : « l’histoire islamique est dominée par des conflits de caractère tribal dissimulés sous le manteau de la religion« et ça me rend dingue de voir qu’aujourd’hui on se lynche toujours autant entre Sunnites et Chiites alors qu’il y a 14 siècles, ça devait être déjà simplement une « bagarre de gros sous » entre les différentes tribus du Moyen-Orient.
La dispute est, selon moi, d’autant plus stérile que la Charia (la voie à suivre) sunnite et la Charia chiite sont pratiquement les mêmes, tous deux incluent :
- le Coran
- la Sunna avec les Hadiths (sauf qu’à la différence des sunnites, les Chiites considèrent que non seulement la parole du prophète a une valeur canonique mais également celle des Imâms – les descendants en ligne directe de Mahomet par sa fille Fatima et son cousin Ali)
- Ijtihad (interprétation – arrêtée au 10ème siècle)
- Fiqh (jurisprudence islamique)
{ { F.Y.I. les Hadiths (tradition prophétique) sont des cas de problèmes juridiques concrets de la vie quotidienne qui se réfèrent à l’exemple du Prophète et de son entourage — En fait, les croyants musulmans ont été très vite confrontés au problème de l’interprétation du texte sacré, ainsi on a commencé à rapporter, de génération en génération, sous forme orale, les faits et dires du Prophète Mohamed pour savoir comment interpréter le Coran. La codification des Hadiths n’a eu lieu qu’au 9ème siècle (c’est-à-dire 200 ans après la mort du Prophète) — C’est un peu, si l’on me permet la comparaison, comme les évangiles pour les Chrétiens.
Il y a donc six recueils canoniques, rédigés entre le 9ème et le 10ème siècle, qui s’établirent chez les sunnites et Quatre livres (al kutub al-arba’) composés entre le 10ème et 11ème siècle, chez les chiites duodécimains.
Le plus lu chez les Sunnites est le recueil de Bukhârî (Al-Sahîh) qui contient environ 7300 hadiths (qui se ramènent à 2762 si l’on supprime les répétitions) classés en 97 chapitres thématiques. } }
En fait, ce qui distingue les Chiites des Sunnites c’est la foi en la mission des Imâms (imâmat) et la foi en la justice de Dieu.
La doctrine chiite postule la nécessité de l’imâmat en raison du besoin permanent de l’humanité d’avoir un maître incontesté en matière religieuse et un chef infaillible guidé par Dieu. >< Tandis que chez les sunnites, il n’y a pas de Clergé — même s’il y a les Cheikh (vieux sages qui exercent une autorité morale) et les « fameuses » fatwas qui sont des avis juridiques donnés par des religieux autorisés, les muftis, en réponse à des questions posées par des croyants. Cela peut se faire par un contact personnel, mais les médias modernes peuvent également être utilisés. Mais normalement chez les Sunnites, le lien entre le croyant et Dieu est direct.
DONC pour le Chiisme, les Imâms transmettent le sens caché du Coran (qui est la révélation de Dieu). Et le premier Imâm pour les Chiites n’est autre qu’Ali, le 4ème Khalife – que l’on a évoqué ci-dessus.
Il existe actuellement trois branches principales dans le Chiisme :
- le Chiisme duodécimain (ou imâmite) qui existe principalement en Iran : considère que la succession du prophète va à Ali et ses onze descendants.
- Le Chiisme ismaïlien, que l’on trouve surtout en Inde et au Pakistan : ce sont les partisans d’Ismaïl, fils de Ja’far, sixième imâm.
- Le Chiisme zaydiya, essentiellement au Yémen : ce sont les partisans de Zayd ibn Ali plutôt que ceux de Muhammad ibn Ali dans la succession de Husayn, troisième imâm.
L’ordre et le nombre d’Imâms diffèrent selon les tendances chiites.
Pour les Chiites duodécimains, le cycle de la Walaya (autre manière de désigner l’imâmat) comporte 12 Imams. Tous les Imâms sont morts d’une mort violente, à l’exception du dernier imâm (caché). — En effet, le 12ème Imâm aurait disparu en 874, date qui clôt le cycle de la Walaya. Il n’y a donc plus d’intermédiaire humain entre le ciel et la terre et cette situation ne prendra fin qu’au retour de l’ « imâm caché » (occultation majeure).
En effet, la « manifestation » de l’Imâm caché (Zhuhûr) délivrera le monde des ténèbres, de l’injustice et de la corruption.
NB : De nombreuses personnes se sont revendiquées être l’imâm caché et toutes furent exécutées O_o’ ...
Le 1er Imam Ali et le 3ème Imam Husayn sont des personnages religieux importants autour desquels s’est construite toute la vision du monde Chiite. Le Chiisme va ainsi développer une martyrologie complètement étrangère au Sunnisme.
- Ali (1er Imam et 4ème Khalife) sera assassiné par un musulman Sunnite. On raconte qu’il ne mourra pas tout de suite et que pendant son agonie, il ne cessera de s’inquiéter du sort de son assassin, en désirant que sa famille ne souffre pas de son acte. (Belle Histoire quand même, non?) — On commémore très fort la mort d’Ali, symbole du bien.
- Husayn (3ème imâm) sera sauvagement exécuté lors de la fameuse « Bataille de Kerbala » car il refusera de faire allégeance au nouveau Khalife Omeyyade Yazid 1er. — C’est l’un des épisodes les douloureux de la mémoire Chiite.
Aujourd’hui les musulmans Chiites essaient d’expier le péché de ne pas avoir soutenu Husayn en se frappant violemment (« ta ‘zié »). On diffuse souvent les images de personnes ensanglantées lors de cette fameuse fête Chiite de l’Achoura — http://www.lemondedesreligions.fr/actualite/la-fete-chiite-de-l-achoura-07-12-2011-2070_118.php
En Iran, c’est sous les Safawides, au moment où le Chiisme fut imposé religion d’Etat, qu’apparut véritablement un corps de théologiens, les Uléma, le Clergé Chiite qui sont, en l’absence de l’Imâm du temps, les intermédiaires entre les hommes et les Imâms. Le taqlid (l’imitation d’un modèle) remplaça la walaya.
Mon propos est de démontrer que cette « Communauté musulmane », sujet à tous les fantasmes les plus grotesques (l’idée par exemple d’une vaste conspiration fomentée par tous les Musulmans à travers le monde contre l’Occident) N’EXISTE PAS !
D’ailleurs, le rapport du Conseil de l’Europe sur la « Dimension religieuse du dialogue interculturel » (rapport du 25 mars 2011 qui mérite lecture http://assembly.coe.int/Main.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc11/FDOC12553.htm), met en exergue cette difficulté d’obtenir une représentation, un interlocuteur unique pour la religion musulmane en Europe, tant les pouvoirs publics sont confrontés à une pluralité d’associations, de groupements musulmans, qui toutes incarnent des conceptions différents de l’Islam !
Aujourd’hui, Charlie Hebdo a de nouveau sorti, en couverture, une caricature du Prophète.
Comme je pressens que l’on va encore assister à des débats lamentables autour de la liberté d’expression, je voulais juste aborder pourquoi cette image heurte sincèrement la sensibilité des Musulmans pratiquants, en expliquant tout d’abord pourquoi la représentation figurative a été interdite dans l’Islam.
Le seul verset du Coran – le plus souvent cité – comme ayant pu conduire à une interdiction des images « ô les Croyants ! Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées (ansâb), les flèches de divination ne sont qu’une abomination, œuvre du Diable. Ecartez-vous en, afin que vous réussissiez. » (Sourate 5 – Al Ma’idah, la table servie – verset 90).
Il faut se rappeler que Mohamed venait avec un message strictement monothéiste dans un environnement païen et luttait fermement contre le polythéisme. Les pratiques cultuelles de l’Arabie antéislamique s’adressaient à des divinités représentées sous forme de statuettes et plus souvent par de simples pierres. Donc le Coran interdit l’adoration des « pierres dressées ».
Il n’est nullement question d’ « images ». Mais comment le Coran aurait-il pu interdire un culte des images qui, selon toute vraisemblance, n’existait pas (ou presque) en Arabie ?
C’est donc dans les Hadiths que l’on trouvera une attitude nettement hostile à l’égard de tout ce qui est figure ou figuration et, le plus souvent, cette condamnation est sans équivoque.
Louis Massignon, dans son analyse « Les méthodes de réalisation artistique des peuples de l’Islam » réduit à 4 le nombre de condamnations formelles de l’image et de l’art par l’Islam :
1) « Les anges n’entreront pas dans une maison où il y a un chien, ni dans celle où il y a des images » (Bukhâri, titre 77, 87). Mises sur le même plan que le chien (un animal considéré comme impur), les images et les chiens souilleraient les endroits où ils se trouvent (les rendent donc impropres à la prière). Rappel : dans l’épisode de la conquête de La Mecque en 630, Mahomet dut détruire les 360 idoles qui se seraient trouvés dans la ka’aba avant de pouvoir y accomplir la prière « Lorsque toutes les idoles furent emportées, le prophète entra dans le temple et fit une prière de deux prosternations » (Tabarî, 1980 : 282)
2) « Aisha, la femme préférée du prophète, avait confectionné et suspendu des rideaux en utilisant un tissu sur lequel il y avait des images d’êtres animés. Le prophète voyant cela, se fâcha ; Aisha en fit alors des coussins, ce à quoi le prophète n’eut rien à redire » (Bukhâri, titre 77, 91) La préoccupation de ne pas susciter un culte ressort clairement de ce récit : suspendue devant soi, la représentation figurative n’est pas admise ; si elle se trouve en revanche sur le sol, elle peut être tolérée car on ne pourrait diriger sa prière vers un objet posé par terre.
3) Ceux qui produisent des images seront condamnés dans l’au-delà : Dieu obligera les artistes à insuffler une âme à leurs créatures. N’y parvenant pas, car Dieu seul a le pouvoir de créer, ils seront condamnés au feu de l’enfer : « Certes, ceux qui font ces dessins seront châtiés au jour de la Résurrection ; on leur dira : donnez la vie à vos créations. » (Bukhâri, titre 77, 89, 2) – Dieu les mettra au défi de créer une âme, soit une manière de rappeler qu’il a seul le monopole de la création complète. Ici, une remarque linguistique qui a son importance : en arabe, et dans le Coran lui-même, le verbe signifiant « faire », « former » (sawwara) est synonyme du verbe qui veut dire « créer » (khalaka). Dieu, ainsi, n’est pas seulement al-Khaliq, le Créateur, mais également al-moussawir, le modeleur. Or le mot « moussawir » désigne également le peintre qui, de la sorte, apparaît comme le concurrent de Dieu, motivé par un dessein de nature blasphématoire.
4) La dernière thématique concerne la peinture et la question de la miniature (art qui n’est pas spécifiquement musulman). La règle est là aussi, interdiction de toute représentation de figure animée. Toutefois, certains sujets rencontrent moins d’opposition : ce sont ceux où ne réside aucun esprit vivant « arbres, fleurs et choses ». DONC pour placer dans une miniature, l’image d’un être animé, il suffira par exemple, de la décapiter ou de le mutiler, de manière à le rendre manifestement inapte à exprimer la vie. Louis Massignon cite à ce propos un récit (sans toutefois en indiquer la source) ; un miniaturiste persan interroge le jurisconsulte Ibn Abbâs « mais quoi ? Ne pourrai-je plus peindre d’animaux ? Ne pourrai-je plus exercer mon métier ? » « Que si, lui dit Ibn Abbâs, mais tu dois décapiter les animaux pour qu’ils n’aient pas l’air vivant et tâcher de faire qu’ils ressemblent à des fleurs ».
Les arguments évoqués dans les Hadiths Chiites pour expliquer l’hostilité à l’égard des images sont similaires à ceux invoqués dans les Hadiths Sunnites.
On comprendra donc que si le dogme islamique condamne unanimement l’image en tant que telle (des ulémas fondamentalistes interdisent même la photographie!), un dessin désacralisant le Prophète Mohamed ne peut être vu que comme un blasphème de haute intensité (même si certains courants musulmans sont très prudents vis-à-vis de la fiabilité historique des Hadiths qui, comme rappelé ci-dessus, n’ont été codifiés que 200 ans après la mort du prophète – mais soit, c’est aussi un autre débat).
Mais la colère excessive des Musulmans pour chaque « atteinte » aussi insignifiante soit-elle à l’image du Prophète (et pour moi la vidéo anti-Islam est une atteinte insignifiante qui ne méritait même pas que l’on en parle plus de 3 secondes et demie) relève surtout, selon moi, d’un phénomène hérétique qui est apparu au sein même du monde musulman ; le culte de la personnalité de Mohamed — Hérétique parce l’Islam condamne le culte aux morts, car il peut découler sur le pire des pêchés, l’association à Allah (ash shirk).
Chez certains musulmans, la dévotion vis-à-vis du Prophète est à ce point démesurée (mimétisme plus ou moins prononcé avec les attitudes qu’a pu avoir le Prophète dans sa vie quotidienne, on a même dû encercler la tombe du Prophète d’une haute muraille pour empêcher que les Musulmans ne fassent leurs prières en s’orientant vers elle, etc.) qu’ils transgressent en fait eux-mêmes l’interdit le plus ferme du Coran : l’association à Allah. « Certes Allah ne pardonne pas qu’on Lui donne quelqu’un comme associé. A part cela, Il pardonne à qui Il veut. Mais quiconque donne à Allah quelqu’un comme associé commet un énorme péché. » (Sourate 4 – Anisa les femmes – verset 48).
En effet, le polythéisme serait le seul pêché impardonnable aux yeux de Dieu. Dans un Hadith, le Prophète Mohamed mettait en garde les Musulmans: » Ne me louez pas comme les Chrétiens ont loué le Fils de Marie ».
Le prophète s’est toujours présenté comme un simple messager, il n’a d’ailleurs instauré que deux fêtes en Islam qui sont El Aïd Al Adha (Fête du sacrifice – ou comme on dit, de manière regrettable, de par chez nous, « la fête du Mouton » alors qu’en fait c’est ANTI la fête pour les pauvres Moutons lol) et El Aïd Al Fitr (Fête de rupture du jeûne).
La fête de l’anniversaire du prophète Al Mawlid al Nabawi (le 12 du mois lunaire Rabia al Awal) n’est qu’une coutume prise et prisée dans certains pays, elle n’est pas dans la Sunna. D’ailleurs le Prophète Mohamed n’est jamais décrit comme un « surhumain », il a été en proie à de longues périodes de manque de confiance en lui-même et de désespoir total et, selon certaines sources, tenta même de se suicider. Il craignait beaucoup d’être fou ou d’avoir vu un démon plutôt qu’un ange.
Bon ceci dit, que ce soit dans le respect des Hadiths ou dans cette mouvance transgressive de « déification » populaire du Prophète, le Prophète Mohamed a toujours été un prophète « sans visage » ; si l’on peut trouver des miniatures qui ont contourné l’interdit de la représentation de figure humaine (les compagnons du Prophète ou les anges sont dessinés avec tous leurs traits : bouche, yeux, oreilles, etc.), le visage du Prophète est quasiment toujours caché d’un blanc ou recouvert d’un voile. — Comme par exemple sur cette image http://expositions.bnf.fr/parole/grand/012.htm
De fait, la représentation du Prophète a toujours été TABOU – je suis étonnée que l’on ne mentionne jamais les faits qui ont précédé les vagues de colère liées aux caricatures ou liés à ce film imbécile « Innocence of Muslims ».
Déjà, en 1926, le comédien égyptien Yûsuf Wahbî avait dû jouer le rôle du prophète dans un film tourné en Egypte et réalisé par Wedad Orfi, un metteur en scène turc. Une campagne de presse se déchaîna contre ce film et le roi d’Egypte, Fouad 1er, menaça d’exiler l’acteur et de le priver de sa nationalité égyptienne.
En 1947, la loi égyptienne sur la censure fut renforcée interdisant non seulement de représenter le prophète mais aussi sa famille, les quatre premiers Khalifes Abou Bakr, Omar, Othman et Ali, ainsi que ses plus proches compagnons, même de manière symbolique en montrant par exemple leur ombre (!).
Dans les années 70, un cinéaste italien a voulu faire un film sur la vie du prophète, l’ensemble des Docteurs d’Al-Azhar (université théologique du monde islamique) se sont dressés contre ce projet, criant au scandale et au sacrilège, en sorte que le gouvernement égyptien dût intervenir officiellement à Rome pour empêcher cette réalisation. Le film a quand même fini par être réalisé en 1976-1977, mais c’est un cinéaste sunnite qui a conduit l’entreprise : Moustapha Akkad, syrien de nationalité américaine. Il l’a fait avec prudence, en respectant les principes émis en 1947 par la censure égyptienne, en ne montrant jamais le visage ni des compagnons, ni du prophète – de qui l’on entend seulement la voix rappeler de temps en temps la parole sacrée, les versets du Coran ou les Hadiths.
Mais malgré les précautions prises, ce film « El-Risâla » (Le Messager) – que vous pouvez voir librement sur Dailymotion (par exemple ici http://www.dailymotion.com/video/x5dwli_le-message-el-risala-le-film-1-9_news) ne fut ni montré en Egypte, ni en Arabie Saoudite ; sa projection à Washington fut à l’origine d’une prise d’otages par un groupe extrémiste issu des Black Muslims.
Donc voilà ce que je voulais dire (si brièvement ! lol) : même si la communauté musulmane est une construction virtuelle, même s’il n’existe pas une communauté musulmane soudée autour d’une position, d’un leader, d’une pensée, etc. beaucoup de Musulmans sont vraiment heurtés dans leurs cœurs quand on ridiculise le Prophète – et que l’on n’arrête de traduire cette colère comme une rigidification contre l’Occident ! Cette sensibilité religieuse autour du Prophète a toujours existé …
J’aimerais terminer en rappelant qu’il y’a eu des vidéos beaucoup plus blasphématoires que celle dont on entend tant parlé aujourd’hui (notamment celle du parti d’extrême droite danois en octobre 2006, diffusant l’image du Prophète Mohamed comme un chameau buveur de bière et un terroriste ivre attaquant Copenhague) et ces dernières n’ont provoqué aucune réaction de la part des Musulmans. Ceci est bien la preuve que ce sont les Hauts religieux qui décident lorsqu’il est l’heure de « laver l’honneur du Prophète » ou pas. Donc chers amis, arrêtons d’être des Moutons…
Zazufira pour ce soir je crois (rires)