Nu ou habillé, personne ne mérite d’être violé !

par clergepondu

L’Institut d’enquête économique du gouvernement brésilien (IPEA) avait publié le 27 mars 2014 les résultats d’une vaste étude sur la « tolérance sociale à l’égard des violences faites aux femmes » qui a fait beaucoup de bruits.

http://www.ipea.gov.br/portal/images/stories/PDFs/nota_tecnica/140327_notatecnicadiest11.pdf

L’Institut s’était quelque peu emmêlé les pinceaux et avait d’abord déclaré que 65,1% des personnes interrogées (soit 3810 personnes des deux sexes) avaient acquiescé à cette affirmation : « les femmes portant des vêtements qui laissent voir leurs corps méritent d’être violées » et 58,5% considéraient que « si les femmes se comportaient mieux, il y aurait moins de viols ».

Ces chiffres avaient provoqué l’ire de la Présidente du Brésil, Dilma Rousseff et avaient mobilisé plus de 30.000 femmes à se mobiliser sur Facebook autour du projet de la journaliste militante Nana Queiroz qui demandait aux femmes de publier des photos d’elles en petite tenue en arborant le slogan « Je ne mérite pas d’être violée » (#EuNaoMereçoSerEstuprada)

Depuis, le Directeur de cet institut d’enquête a corrigé ces chiffres le 4 avril 2014 : ce sont en fait 26% des répondants qui estiment que les femmes trop peu vêtues « méritent d’être violées ». EN REVANCHE, le chiffre de 58,8% d’interviewés (c’est-à-dire 6 Brésilien(ne)s sur 10!) qui considèrent que « si les femmes se comportaient mieux, il y aurait moins de viols » reste inchangé.

La journaliste française, Caroline Fourest, commentait ces chiffres sur le plateau d’Elisabeth Quin dans l’émission 28 minutes (4 avril 2014) : « on a tendance à penser que le patriarcat, cette mentalité de complaisance envers le viol, n’appartient qu’à des pays hyper traditionnels (…). Malheureusement, le patriarcat, la culture du viol, c’est vraiment quelque chose d’hyper universel, c’est sans doute la chose la plus universelle au monde, quel que soit le pays ».

Cette enquête m’avait rappelé cette vidéo « It’s your fault » dans laquelle l’animatrice Juhi Pandey et la comédienne Kalki Koechlin dénoncent avec un humour noir et cynique la culpabilisation des victimes d’agressions sexuelles.

(Traduction du texte anglais en français dans cet article : http://www.madmoizelle.com/viol-video-culpabilisation-victimes-200853)

Cette vidéo avait été diffusée après la vive émotion qu’avait provoquée la mort de la jeune femme indienne de 23 ans, Jyoti Singh, violée en décembre 2012 par six individus dans un bus à New Delhi avant d’être jetée nue sur la route et de décéder de ses blessures à l’hôpital. (http://www.slate.fr/lien/67021/histoire-victime-viol-inde-Jyoti-Singh)

Un événement tragique, malheureusement tristement banal dans cette ville surnommée « la capitale du viol », comme le rappelle la journaliste Rashmee Roshan Lall : « En 2011, une enquête sur l’égalité sexuelle menée par l’International Centre for Research on Women, basé à Washington, révélait qu’un Indien sur quatre avait déjà commis dans sa vie des violences sexuelles et qu’un sur cinq avait déjà forcé sa partenaire à avoir des relations sexuelles avec lui. » (« L’Inde a un problème avec les femmes » http://www.slate.fr/story/66755/inde-femmes-viol)

Le Docteur Denis Mukwege, spécialisé dans la chirurgie réparatrice et qui a fondé en 1999 l’hôpital de Panzi à Bukavu – dans la province du Sud-Kivu de la République démocratique du Congo –, qui a déjà soigné plus de 40.000 femmes congolaises victimes de viol, se bat pour secouer les consciences et dénonce l’inaction de la communauté internationale pour faire cesser les atrocités du Kivu : « plus de 500 000 femmes ont été violées au Congo depuis 1996. Avec cruauté et barbarie. Souvent de façon planifiée, organisée, mise en scène. Car il s’agit bien d’une stratégie. D’une arme de guerre. Et celle-ci est d’une efficacité redoutable ».

Denis Mukewege plaide pour mettre en place une « ligne rouge » en ce qui concerne les actes de viols , une ligne rouge au-delà de laquelle toute la communauté internationale doit intervenir : « Les armes chimiques, biologiques, nucléaires ont des effets à long terme. Eh bien le viol, c’est pareil ! Les personnes restent apparemment en vie. En réalité, les familles, les villages, les sociétés sont détruites. Sur des générations.« 

(« Le Dr. Mukwege, infatigable défenseur des femmes violées en RDC, lauréat de la Fondation Chirac » (21 novembre 2013) http://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/11/21/le-dr-mukwege-en-guerre-contre-les-viols-en-rdc-laureat-de-la-fondation-chirac_3517519_3212.html)

Une « ligne rouge » apparemment clairement franchie en Syrie, d’après la récente enquête effroyable d’Annick Cojean, journaliste pour Le Monde, qui a interrogé les femmes rescapées des geôles de Bachar el-Assad : « C’est le crime le plus tu, perpétré actuellement en Syrie. Un crime massif, organisé par le régime et réalisé dans les conditions les plus barbares. Un crime fondé sur l’un des tabous les mieux ancrés dans la société traditionnelle syrienne et sur le silence des victimes, convaincues de risquer le rejet par leur propre famille, voire une condamnation à mort »

(« Le viol, arme de destruction massive en Syrie » (4 mars 2014) http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/03/04/syrie-le-viol-arme-de-destruction-massive_4377603_3218.html)

Les réalités de ces victimes rendent éminemment condamnable toute complaisance vis-à-vis du viol.

Nu ou habillé, personne ne mérite d’être violé !